Come find me in the rain | Shay

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Come find me in the rain

Jake Bugg - Rabbit Hole

Il pleuvait à verse sur l'Illinois ce dimanche. Assis derrière le volant de sa ford Puma, Ruadhiri souffla la fumée de sa cigarette paresseusement dans l'habitacle. Ses frères et sœurs détestaient cette habitude de fumer dans sa voiture, même s'il ouvrait les vitres. Mais ce n'était pas leur voiture à eux. Clope bien pincée entre les lèvres, il mit le contact, jeta un dernier regard à la vague silhouette grise qui se dessinait dans le rideau de pluie qui obscurcissait la ville et quitta sa place de parking, les yeux rivés sur l'asphalte noir. Son uniforme bien repassé pendait d'un cintre accroché à l'appuie tête du siège passager, son glock bien caché dans la boite à gant, déchargé. A l'arrière, les affaires de son cheval, et sa chienne berger Ookami qui haletait de plaisir anticipé. Elle était toujours comme ça quand il y avait des chevaux en jeu. Ravalant un sourire, Ruadhiri pensa qu'elle n'allait pas apprécier la pluie tant que ça.
Il tourna au carrefour qui sortait de la ville, vers le nord, la radio chuchotant des notes de Sia et des Monsters and Men, coincés entre One Republic et Billie Eilish. Il se fit une petite note mentale, "télécharger des choses joyeuses", mais il savait qu'il n'en prendrait jamais le temps. Il avait écrasé sa cigarette dans le cendrier. Dehors, il semblait pleuvoir de plus en plus, mais la silhouette grise ne pouvait pas s'en formaliser, elle.
Le ciel était couleur de plomb, complètement monochrome, et la route luisait d'une eau devenue presque holographique au contact des carburants agglutinés au sol. Au bout de quelques quarante cinq minutes, le portail d'entrée du parc hippique des Chesnet-Monaghan se découpa entre les trombes d'eau, et il abaissa à nouveau sa vitre pour scanner sa carte afin de déverrouiller le système. Il y eut un claquement sec dans l'air surchargé, et les gonds pivotèrent docilement, ouvrant la voie sur l'allée bordée d'arbres qui serpentait vers le parking. Le Puma mordit les graviers avec joie, et Ruadhiri le laissa avancer à vingt kilomètres heures jusqu'à sa place habituelle. Il passa au point mort, planta soigneusement le frein à main, et descendit du véhicule rutilant avec un son mat dans la terre fouettée par la pluie. Ookami jappait déjà gaiement, et il lui ouvrit la portière, hilare en la voyant se décomposer au contact de l'eau et foncer vers l'avancement du toit des écuries des chevaux pensionnaires. Puis il attrapa le licol qu'il avait emporté lors de sa dernière visite, le seau de friandise, referma la voiture et s'éloigna en la verrouillant d'un geste.
En dehors des sons de mâchoires et de l'occasionnel mouchage des chevaux dans leurs boxes, l'écurie était totalement silencieuse. Comme chaque dimanche, spécialement les jours de pluie. Le jeune homme se dirigea vers le boxe de son cheval, la chienne collée à ses chevilles, déposa ses affaires devant et appela le grand hongre brun. L'animal tourna sa tête vers lui, l'air vaguement intéressé, puis retourna à son foin. Soupirant, l'irlandais prit la direction de la sellerie, la déverrouilla machinalement, rassembla ce qu'il lui fallait et retourna au boxe. Licoler lui prit déjà dix bonnes minutes, Sheridan refusant allègrement de coopérer. Une fois attaché, il lui mena une vie de tous les diables pour donner les pieds, puis s'ébroua avant que la sangle ne soit fermée. Les dents serrées, Ruadhiri lui flatta l'encolure pour se calmer et prit enfin le chemin du manège.
Il longeait presque toujours, conscient que son cheval s'amusait joyeusement de son manque d'autorité, juste pour remettre un peu les pendules à l'heure. Mais ce matin, sous le raffut de l'orage qui martelait le plafond, il n'arrivait pas à fixer l'attention du pur sang sur lui. Le jeune homme appelait doucement, décomposait ses gestes pour occuper les pensées du cheval, en vain. Sheridan renâclait, ronflait, sursautant chaque fois que la chienne tricolore changeait de position dans les gradins. Au bout d'une vingtaine de minutes, alors que son propriétaire lui demandait de changer de main à la longe, il capta un mouvement nouveau et bondit en avant, lui arrachant la longe des mains alors que Ruadhiri, pétrifié sur place; reprenait ses esprits. Debout le long de la porte à battants du manège, Shoahan Chesnet-Monaghan s'était accoudée, et pendant un très bref instant, le flash de ses cheveux auburn… Il ferma et rouvrit les yeux, inspirant. Il fallait vraiment qu'il dorme un peu plus. Il adressa un salut à la jeune femme, rattrapa son cheval et se dirigea vers elle.

"Salut. Désolé pour le spectacle… Je crois que je ne sais vraiment pas comment communiquer avec cet imbécile ! Quoi que je fasse, il s'enfuie et au pansage, tout ce qu'il fait c'est de me voler les brosses ! Je ne pensais pas voir quelqu'un aujourd'hui, dis moi. Tu vas bien ?"

Sheridan s'ébroua à nouveau, mâchouillant, les yeux rivés sur Ookami qui les regardait de loin. Même elle semblait se moquer de lui. Ruadhiri évita de trop fixer les gradins, et détourna à nouveau son attention sur la jeune étudiante. Pantalon bleu nuit ajusté à la perfection, sweater oversize qui avait vu des jours meilleurs et bottes crottées, elle était toujours aussi jolie. Il ne se souvenait pas quand elle avait basculé de "meilleure amie de Tarek" à "très belle jeune femme" dans sa tête. Vu sa tenue, elle revenait sûrement des boxes et des paddocks des chevaux de l'association qu'elle gérait. Un vague sourire aux lèvres, il flatta lentement l'épaule de son cheval. Il fallait encore qu'il commence sa séance en selle. Enfin, en espérant ne pas tomber… Encore. Surtout si elle restait un peu. La honte.

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Come find me in the rain

Jake Bugg - Rabbit Hole

En vérité, Shay ne pensait voir personne en train de s'occuper des chevaux un dimanche matin, et sous la pluie. Les différents employés étaient tous en congé ce jour là et le ranch vibrait seulement du bruit des chevaux dans les box. Shay aimait la pluie, le son que cela faisait sur le toit du manège et la sensation de froid qui venait couler dans ses cheveux. La jeune femme avait grandi avec cette odeur de froid et cette sensation, passant de nombreuses heures à regarder son père patiner, au Japon, à l'observer dans ses mouvements et dans ses sourires lorsqu'il glissait sur l'étendue bleutée. Le froid et l'humidité avait toujours été une source d'apaisement pour l'anglaise et ce dimanche matin pluvieux la mettait plus de bonne humeur qu'autre chose. Ils étaient sortis la veille avec toute la bande et elle se sentait nauséeuse, non pas à cause des nombreux verres d'alcools qu'ils avaient bu mais plutôt à cause de Jim. En temps normal, elle ne l'aurait même pas repoussé lorsqu'il était arrivé vers elle, complètement saoul et les yeux pleins de larmes, essayant de l'embrasser pour oublier la fougue de Geneva Ankevitch. Cette fille avait disparu dans un nuage de fumée, sans laisser aucune trace et la plaie ouverte par son départ ne se refermerait pas de sitôt pour Jim. Il faisait avec et Shay ne pouvait pas lui en vouloir de son geste, même si elle lui avait déjà dit non le soir où Tarek et Medhi étaient venus avec leur frère aîné. Elle savait ce que c'était d'aimer quelqu'un avec tout son coeur et même si ça lui coupait la respiration au point que ses côtes la fassent souffrir, Jim était profondément amoureux de Geneva, comme il ne le serait jamais d'elle. En repensant à l'irlandais, qui élevait tous les Thompson avec tant de franchise et d'implication, Shaohan aurait menti si elle avait dit que le jeune homme silencieux et calme ne l'avait pas apaisée. La jeune femme aimait le silence et Ruahidiri l'avait plus touchée qu'elle ne l'aurait pensé.
La jeune femme secoua la tête et observa avec un peu d'espoir la jument misérable qui se tenait dans un coin du box réservé aux poulinières et à leurs poulains. La pluie battait contre le toit et l'eau ruisselait un peu plus loin mais Shay ne démordait pas de ses paroles rassurantes. Cette pauvre jument tremblait de tous ses membres alors elle déplia l'une des nombreuses couvertures qu'elle avait ramenée de leur réserve de matériel et avança pour la poser sur le corps meurtri. La jument sursauta et lui lança un regard fou, les yeux révulsés vers l'arrière mais elle parvint à poser la couverture sur la peau terne et à frotter un peu pour la réchauffer. Au bout de dix minutes, la jument ne tremblait plus, fermant ses yeux noirs à moitié et reposant sa tête sur la mangeoire. Tout en continuant à frotter son garrot, chose qui semblait lui plaire, Shay remua un peu le grain qu'elle avait versée la veille avant de partir en soirée. Avec un sourire, elle constata que le bac était vide et donc que la jeune pouliche, âgée de seulement trois ans et ayant déjà tellement vécu, avait enfin daigné manger un peu. Finalement, elle n'aurait peut être pas besoin de la perfuser. Cela la soulagea un peu et quand elle vit que, bien emmitouflée dans une couverture, la jument chercha à s'allonger, s'éloignant du mur contre lequel elle était collée depuis son arrivée, Shay sourit et quitta le box, regardant plusieurs fois en arrière. Elle se fit un chocolat chaud dans le club house réservés aux clients et partait pour rentrer chez elle, histoire de dormir un peu plus que les trois heures qu'elle s'était autorisée en rentrant ce matin là quand un bruit sourd attira son attention. Dans le manège le plus proche d'elle, le bruit sec du galop résonnait partout. Elle avança un peu pour découvrir avec stupeur qu'un cheval courait tout seul, la selle et le filet sur le dos. Un rapide coup d'oeil lui fit comprendre que personne n'avait chuté et elle posa ses yeux sur Ruahidiri. Son ventre se serra et elle ferma les doigts sur la barrière en bois pour se stabiliser. Un bref flash de la nuit qu'elle avait passé avec lui lui revint et elle secoua de nouveau la tête pour ne pas céder. Ses yeux se fermèrent quelques secondes et elle revit avec un plaisir contrit ses mouvements sous elle, ce sourire timide qu'il lui avait adressé et ses caresses sur le bas de son dos. Le froid du bois entre ses doigts contrastait avec la chaleur des paumes du policier quand il la tenait par les hanches et elle se mordit violemment la langue pour revenir au moment présent. Il venait juste de lui parler et les souvenirs mêlés à ceux de l'alcool de la nuit dernière n'aidaient pas à se tenir droite. Vaguement,elle adressa un signe rapide de la main et sourit un peu plus franchement, cachée à moitié par sa grosse écharpe. Pourquoi elle ne s'était pas mieux préparée à le revoir? Il avait un cheval ici et plusieurs frères et soeurs qui venaient là environ trois fois par semaine. Bien sur qu'elle n'allait pas tarder à le revoir. Elle se fit une note mentale pour se rappeler de ne surtout pas tomber amoureuse de lui, histoire de ne pas passer pour une idiote encore une fois, et désigna le cheval d'un geste du menton.

"Il a pas l'air motivé à se mettre au boulot dis donc!"

Quand on parlait de chevaux, elle était dans un monde connu, peuplé de sensations, d'odeurs et de moments familiers, bien loin des choses étranges qu'elle avait ressenties au moment où elle venait, nichée dans les bras puissants du policier.

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Come find me in the rain

LP - The One That You Love

La remarque de la jeune femme lui vola un sourire. Le moins à dire était bien que le cheval n'était pas motivé, en effet. Il ne l'était jamais, et c'était bien ça qui posait problème à son propriétaire. Il n'arrivait pas à rendre le travail ludique pour Sheridan, et ça lui brisait le coeur. Il aurait fallu qu'il prenne quelques cours, mais il n'avait pas un emploi du temps fixe et préférait les jours calmes et déserts pour se réfugier au centre hippique. Enfin, il serait bien obligé un jour ; pour le confort de l'animal.
Il passa sa main dans la crinière bien coupée du pur sang.

"Non, ça, c'est sûr. Je n'arrive pas à lui rendre le travail amusant. Ou alors il se fout de ma gueule, mais ça me paraît improbable. Tu ne connaîtrais pas de solution miracle par hasard ?"

Elle n'avait pas répondu à son simple 'tu vas bien', mais il en savait mieux que d'insister. Personne n'aime être poussé à répondre à quoi que ce soit. Il n'était pas au boulot, et elle certainement pas une personne liée à cette vie professionnelle qui souvent prenait un peu trop de place dans son existence quotidienne.
Surtout au vu de leur dernière rencontre... Peut être qu'elle n'avait pas envie de le revoir. Peut être qu'il aurait du chercher à lui parler entre temps, à lui dire.. Quoi d'ailleurs ? Ils n'avaient rien fait de mal. Elle était adulte maintenant. Ils n'étaient pas saouls, rien de tout ça. Certes, elle était bouleversée par le comportement du jeune Anshey -bon dieu, celui là! quel rustre franchement - mais ils savaient tous les deux ce qu'ils faisaient.
Et lui, il savait qu'il n'était pas prêt d'oublier leur étreinte. Elle était belle. Elle était douce et intense à la fois, reflet de sa personnalité généreuse et impétueuse. Non, il ne risquait pas d'oublier cette nuit. Il s'était levé à l'aube, avait posé ses yeux sur les magnifiques cheveux auburn de la jeune femme. Il avait failli la réveiller, mais quel amant secouerait sa partenaire à 5h00 du matin ? Après seulement deux heures de sommeil ? Non, impossible. Alors il avait gagné sa salle de bain, pris une douche rapide, enfilé son uniforme et il avait gagné le commissariat, laissant simplement son numéro de téléphone dans son sac à main. Au cas où.
Entre temps, pas de nouvelles, et il ne l'avait pas revue. Et là, il pouvait constater que l’événement avait bien fait changer sa façon de la regarder. Il se souvenait des discrètes taches de rousseur sur ses épaules, du grain de sa peau pêche sous ses doigts et du goût de ses lèvres..
Sheridan lui colla un coup de tête bienvenu, agacé par son immobilité, et il réalisa qu'il était en train de la fixer. Raclant sa gorge, il se secoua un peu et entraîna le cheval marcher un peu dans le manège. Non mais sans rire, quel crétin...

"Enfin bref... Qu'est-ce que tu fais là à cette heure ? Un cheval de l'association ?"

Oh mais oui Rùàdhiri, le small talk maintenant... Ben voyons. Un peu plus et il allait vraiment s'enfoncer dans le sable, et sans l'aide de son cheval pour une fois. Il fallait qu'elle lui plaise, décidément, pour le troubler comme ça.

» @Shay Chesnut Monaghan
» Shaohan "Shay" Chesnet Monaghan
» I have to admit that's a better perspective than I thought. || Tarek and Shay.