When peace gives birth to chaos
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Where everything that's true turns false, where teenage is the most powerful poison ever made, there, hope will have to fight for his existence.
 
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 Wise is the man who teaches itself to listen

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Daniil Martinovitch

Daniil Martinovitch


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MessageSujet: Wise is the man who teaches itself to listen   Wise is the man who teaches itself to listen Icon_minitimeJeu 3 Déc - 19:06

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Just sit and listen



And on melancholy hill there's..-

Le vent balaya le sous bois avec force, soulevant des feuilles colorées et humides, secouant les branches décharnées qui se tendaient les unes vers les autres comme pour se serrer un peu et survivre à un nouvel hiver. Il faisait froid, un froid saisissant accentué par le fin crachin de la fin d'automne. Bientôt, il neigerait et pister les animaux deviendrait un peu plus aisé. De gros gants de laine aux mains, les pieds au chaud dans ses chaussures thermiques, le corps tout entier couvert de vêtements d'hiver et un épais bonnet sur la tête, les yeux dépassant au dessus de son tour de cou, Daniil Martinovitch matchait dans le silence de la forêt russe qui entourait sa maisonnette. Il devait quitter le pays d'ici quelque jours, pour rejoindre l'Illinois aux Etats-Unis, et y retrouver ses deux frères cadets ainsi que sa petite sœur. L'occasion d'organiser plusieurs virées au Canada, et sans doute de réaliser de superbes clichés. Il esquissa un sourire, et s'enfonça dans un taillis. Il savait qu'il y avait des gloutons dans le coin, mais il n'était pas aisé de débusquer ces animaux.
Il avança courbé, son appareil serré contre sa poitrine. Un oiseau lança un cri courroucé à son passage, loin au dessus de sa tête, et le bruit d'un sursaut attira son attention à sa gauche. Il se tourna lentement, mais assez vite pour apercevoir quand même la silhouette de son sujet dans un saule, son mufle sombre frémissant de surprise et d'agacement. L'animal le regardait, inquiet, mais prêt à en découdre si besoin. Le photographe se concentra à respirer avec calme, prépara son appareil tout en douceur, et braqua l'objectif sur le glouton. Au moment d'appuyer sur le bouton, pourtant, d'autres images se pressaient dans sa mémoire.

*

1996, automne de ses douze ans.
Il marchait dans les pas de son père, les feuilles craquant sous leurs pas. Les arbres portaient encore quelques feuilles flétries qui se cramponnaient à leur vue du ciel, à la vie, refusant d'être remplacées quand viendrait le printemps. Mihaël, 10 ans, et Kelim, 8 ans, trottaient à sa suite. Le plus jeune avait sur le visage une expression pleine d'avidité de savoir, tandis que le rouquin affichait une expression rongée par l'inquiétude, presque nauséeuse. Daniil se fichait bien de ce que ses frères pouvaient bien penser. Vêtu de treillis, le visage dur, son fusil à l'épaule, il marchait sans mot dire sur le sentir glissant.
Après de longues minutes de marche, son père bifurqua et leur fit rejoindre un terrain vague, visiblement abandonné et désert depuis longtemps. Il désigna le bout du champ, où un petit groupe d'antilopes taïga paissaient sans se douter de la présence des hommes ; et leur dit qu'à présent, ils allaient attendre. Alors ils attendirent. Le froid était plus mordant que jamais, mais seul Mihaël grelottait. Lim avait les lèvres un peu bleues, mais ne frissonnait pas ; pas plus qu'il ne se plaignait. Leur aîné fixait les bêtes. Ils attendirent plus de deux heures. L'animal apparut un peu avant la nuit, derrière une jeune antilope, rampant agilement dans les hautes herbes, sa tête noire et brillante de santé attirant le regard des quatre oiseaux rouges dissimulés à la lisière du bois. Dmitri Martinovitch se tourna vers son aîné, et désigna le glouton d'un geste lent.
"Tue le, Dan. Il est temps que tu abattes ton premier prédateur. Tu ne peux pas être le meilleur des chasseurs tant que tu ne peux pas tuer d'autres chasseurs. Tu comprends ?"
Sa voix était dure, sèche, comme toujours, mais son fils ne s'en formalisait jamais. Il ne savait pas qu'il est coutumier d'attendre un autre genre d'attitude de la part d'un père. Il arma le fusil avec précision, visa soigneusement tandis que la formidable force de la nature qu'était le glouton se mouvaient vers sa proie. La déflagration éclata dans l'air comme le tonnerre, et les antilopes décollèrent comme une seule entité, terrorisées ; laissant derrière elles leur prédateur, mort avant même d'avoir touché le sol. Le bruit de l'arme avait couvert le hoquet horrifié de Mihaël, mais pas ses larmes. Une lueur de fierté démente brillait dans les yeux clairs de Dmitri, et une autre pleine d'envie dans ceux de Kelim. Le commandant russe se saisi du poignet de son second fils avec rudesse, et le secoua avec colère, désignant la forme sombre du glouton à une cinquantaine de mètres d'eux.
"Regarde le bien ! Regarde, imbécile ! Ca, c'est une proie, et tes frères là, ce sont des chasseurs ! Et toi, espèce de chiffe molle, quand est-ce que tu deviens un homme dis moi ?! Va le chercher, maintenant !
-Non !
-VA LE CHERCHER !"
La gifle siffla dans l'air glacial, et claqua sur la peau bleuie du petit garçon. Il adressa un regard effrayé à son père et s'éloigna en trébuchant, le son de ses sanglots résonnant jusqu'à eux. Son petit cri étranglé leur parvint quand il atteignit l'animal étendu dans l'herbe, et il ne put se résoudre à y toucher. Un sourire affreux sur les lèvres, Dmitri envoya ses frères à sa suite. Kelim ne brida pas ses moqueries, car les enfants peuvent être particulièrement méchants entre eux ; et Daniil ne leur prêta pas grande attention. Il fixa les yeux vides du la bête, et sentit son cœur se serrer avec force - bien qu'il n'en laissa rien paraître. C'était un mâle. Peut être une femelle allait-elle l'attendre quelque part dans le bois. Peut-être avait-elle entendu le fusil. Peut-être même qu'elle comprendrait, quand il ne reviendrait pas à la nuit, que le fusil le lui avait enlevé... Il expira brutalement, chassant ses pensées comme on jetterait une balle de baseball à un pointeur, et se pencha pour soulever sa prise. Il était lourd, mais pas trop ; déjà affaibli par l'automne et la faim qui l'accompagnait. Il rebroussa chemin, son frère continuant de geindre et le second à le vanner. Dmitri hissa le glouton sur ses propres épaules pour regagner le village, et assena une tape sur l'épaule de son premier fils. A cet instant, Daniil ignorait que ce premier meurtre le mènerait vers d'autres chasses, des chasses au prédateur qui voyaient au bout du canon des chasseurs bipèdes... Des "proies" qu'il abattrait avec la même indifférence que ce pauvre animal sans défense qui n'avait rien demandé à personne.

*

Le petit clic de la boîte photographique le ramena à la réalité, et il regarda le cliché qu'il venait de prendre. La truffe brillante, les yeux pleins de vitalité et d'étonnement, le glouton était à présent figé sur sa carte mémoire, les couleurs chaudes de l'automne lui servant de décor. Il y avait vingt quatre qu'il avait abattu son homologue, mais le souvenir vivait dans sa mémoire avec une précision brûlante. Il n'avait plus tiré sur une bête de sa vie. Mais les humains... Les humains avaient subi son indifférence glacée et robotique pendant dix ans.
Jusqu'à Evgeny. Jusqu'à ce soir où il avait regagné la maison familiale à la course, les poumons en feu, les oreilles bourdonnantes, avait fait ses bagages dans la nuit, à la hâte, volé la voiture de son père et conduit presque jusqu'au bout du pays, comme si le diable était à ses trousses. Il s'était arrêté sur un chemin forestier, à des kilomètres de toute habitation, et il avait hurlé à s'en décoller les cordes vocales. Il s'était épuisé, et avait sombré dans le sommeil à même le sol, sur les feuilles trempées du mois d'avril, dans le faisceau des phares du pick-up.
Au matin, il était habité par une énergie différente. Il avait conduit jusqu'à une casse, vendu la voiture et assisté à sa destruction avec délectation, avant de s'en aller avec son argent en poche. Il n'était pas le meilleur espion de son âge pour rien, seulement égalé par son petit frère ; et avait effacé toute trace de lui en quelques semaines. Il avait travaillé dans une boutique de chasse - ses connaissances enchantant son patron tout comme les clients - pendant un an. Chaque mois, il avait mis de côté pour s'acheter le matériel qu'il lui faudrait pour construire un chalet. Et au printemps suivant, il avait commencé le travail. Fondations, système hydraulique. Puis le dallage, les murs que ses amis au village appelaient "le gros kapla". Une bonne charpente, un toit costaud pour supporter les rudes hivers à venir. Les murs intérieurs soutenaient le tout, il fit installer l'électricité, installa des meubles, sa déco, fit son bois pour l'hiver. Un salon ouvert sur la cuisine, une cheminée crépitante de septembre à mai, une salle de bain ouverte sur l'arrière de la maison, et un étage en mezzanine ouvert comme un balcon, son lit king size trônant au centre. Il n'avait besoin de rien d'autre. Pour rembourser l'achat du morceau de forêt dans lequel il bâtissait son nid, il avait été engagé par le village comme garde chasse. Son boulot ? Tenir les bêtes sauvages à l'écart des hommes. Il en était plus qu'heureux.

Il vivait là depuis douze ans. Dont huit avaient été partagées avec Marissa. Elle haïssait ce chalet. Elle détestait les oiseaux qui venaient se percher sous les fenêtres de l'étage en hiver parce qu'ils savaient qu'ils trouveraient là de quoi manger. Elle avait peur du chant des longs à la saison des amours, qui pourtant leur parvenait de très loin. Elle ne supportait pas la peau froide de son fiancé quand il revenait de ses sorties quotidiennes dans le froid hivernal. Le bois sec de la cheminée 'écorchait ses mains' quand elle devait le manipuler. Et pourtant elle était restée, huit ans. Elle l'avait trompé deux, et il le savait au fond, il l'avait su dès qu'elle avait commencé à prolonger ses séjours professionnels à l'ouest du pays. Ust Nera était à des milliers de kilomètres de Moscow, 5 231 pour tout dire, et c'était bien pour ça qu'il ne se formalisait pas qu'elle ne fasse pas le trajet chaque semaine. C'était aussi a 5 103 de Saint Petersburg, soit très, très loin de son père.
Quand Marissa l'avait quitté, il n'avait pas pu dire que c'était inattendu. C'était une citadine, une femme coquette et à la page. Lui, c'était un photographe et ancien espion, un marginal. Il regarda le glouton le fixer avec curiosité depuis son saule, et observa le petit nuage de brume qui se formait devant son mufle. Le crachin avait gelé ses moustaches. Il était magnifique. Il était en vie, et Daniil aussi. Une mésange s'envola dans les taillis près de lui, et il se sourit à lui même dans le silence de l'immense forêt sibérienne avant de rebrousser chemin. Il avait cessé d'être dans l'ombre du monde, et s'était inscrit dans l'écosystème. C'était sûrement la plus belle victoire de sa vie à cet instant là.
Il rangea l'appareil dans sa pochette, et regagna peu à peu la maison à la cheminée fumante. Il avait une bière à boire avec ses amis à Ust, et un voyage à finir de préparer.



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