Once upon a time, in a corner of England… Childhood's aestheticNé un 2 octobre, sous le signe de la Balance, August a été très couvé par sa mère ses trois premières années, avant que Thomas vienne au monde. Enfant capricieux et pleurnichard, il exaspérait beaucoup Edgar, et déclencha pas mal de dispute entre ses parents ; l'un considérant qu'il devait s'endurcir, l'autre qu'il était important de faire attention à lui.
Après la naissance de Thomas, il se rapprocha un peu d'Albert, déjà âgé de sept ans, qui l'initia un peu au poney, à la chasse et au golf. Mais August n'appréciait aucun de ces sports, plus intéressé par le jardin et la serre gigantesque de sa mère, et ses multiples couleurs tout au long de l'année. A cinq ans, assis sous les hydrangeas pastels, bien caché, il commença à dessiner les formes et les textures de toute cette nature en cachette. Des cottages embrassés par les agapanthes, des bateaux amarrés à des ports envahis de bruyère, les poneys sauvages des landes de penhale sands. Encore brouillons, maladroits, mais qui ravissaient Isabel qui les cachait dans ses tiroirs de couture.
A six ans, bien sûr, August intégra l'école primaire d'Eton College. D'enfant fragile et toujours en quête de réconfort, il devint un garçon un peu turbulent, trop conscient de son rang social et impertinent envers ses enseignants. L'esprit vif et la langue bien pendue, il se gêna jamais pour faire savoir à qui que ce soit ce qu'il pensait. Les étudiants d'Eton ne rentrant chez eux que lors des vacances, August en profita pour se détacher de son père un peu plus, bien que toujours proche de ses cadets, Thomas, Conrad et Rose.
Les années de primaire passèrent rapidement, ne relevant que de grosses impertinences de sa part et quelques brimades, mais en entrant en first grade, il se retrouva sur les talons d'Albert, élève en fifth grade, et une rivalité féroce s'installa doucement entre les deux fils plus âgés du Duc d'Aspall Hall. August, opposé à l'ambition de son aîné, se fit vite remarqué par son esprit littéraire, sarcastique et sa sensibilité artistique. Très vite, il se rapprocha du professeur d'Arts, qui aiguisa son pinceau et son regard. Insolent, il commença à se battre avec certains élèves, et à rabaisser çà et là quelques élèves boursiers.
Albert et lui ne se côtoyèrent que deux années supérieures à Eton, mais c'était assez pour que leur relation soit abimée définitivement.
L'été du départ à l'Oxford College de son aîné, August, allant sur ses treize ans, se surprit plusieurs fois à détailler les employés du manoir. Les épaules solides du jardinier, les mains larges et striées de petites cicatrices du palefrenier, les yeux francs du canotier, la clavicule tannée de soleil du veneur. Perturbé d'abord, il comprit rapidement que quelque chose était différent chez lui, quelque chose à cacher à tout prix, à tous. C'était l'année pivot, un été qu'il passa presque entièrement assis en tailleur dans le grand hêtre du jardin, croquant les coquelicots et la centaurée, les roses délicates du manoir ou encore le manoir lui même, ses couleurs d'aquarelle posées à côté de lui. Souvent, en fin d'après midi, Connie le rejoignait et jacassait gaiement au sujet des exercices de voile ou de chasse effectués avec leur père. August souriait, ébouriffait ses cheveux, et regagnait le manoir, le petit garçon de six ans sur les talons. C'était le tout début de l'adolescence, mais déjà il rêvait de choses bien différentes de ce que ses parents imaginaient pour son futur.
Après le départ d'Albert, il se laissa aller à de plus en plus de nonchalance, distrait en cours, et irrespectueux. En sixth grade, il intégra pourtant l'Eton society, et obtint le rang de capitaine de la maison des arts ainsi que du club d'aviron. Il commença à papillonner d'amant en amant, dans la plus grande discrétion possible, et à perfectionner sa technique en peinture, de l'aquarelle à l'huile. Il gardait un œil sur Thomas et Conrad, et avait commencé à se renseigner sur les différentes universités dans lesquelles il pourrait s'émanciper un peu de sa condition de fils de noble bien portant et bordé de draps de soi.
Et c'est ce qu'il fit, sitôt sorti d'eighth grade à Eton, quittant l'Angleterre pour se rendre au Pays de Galle. Echangeant régulièrement avec ses frères et sœurs, il évita le manoir soigneusement, ne faisant l'effort de s'y rendre qu'à Pâques et à Noël. Il tint sa langue quand sa mère confia la petite Gillian à Thomas, ainsi qu'aux fiançailles arrangées d'Ellen.
Jusqu'à l'anniversaire de ses vingt deux ans, que ses parents tinrent à organiser à Aspall Hall, conviant leurs amis et leurs enfants pour l'occasion -dans l'espoir, bien entendu, qu'il y rencontre une jeune femme qu'il souhaiterait fréquenter. Bien que traînant les pieds, il ne pouvait pas se débiner. Malheureusement, à force de les éconduire durant la soirée, il finit par offenser l'une d'elle, ancienne élève de Mayfield et amie d'Albert, qui avait entendu les rumeurs… Une lueur furieuse dans les yeux, elle reposa son verre en plein dessert après qu'Edgar eut lancé un
"Oh oui, il est rêveur, mais il finira bien par rencontrer la femme de sa vie il n'y a pas de raison !"
au Duc du Wiltshire.
"A moins qu'il ne préfère sucer méthodiquement les attributs de ses amis d'Eton jusqu'à la fin de ses jours… "
Il y eut un silence de mort, contrastant avec le ton cinglant qu'elle avait employé, Edgar était devenu livide, et les invités s'étaient tournés vers lui presque comme un seul homme. Il aurait voulu démenti, mais seul un vent de panique intense soufflait dans sa tête. Son frère, Albert, le dévisagea une seconde et reposa sa cuillère.
"August... Qu'est-ce qu'elle raconte ?
-Je- Mais- Ce n'est pas…"
Il y eut un mugissement rageur, et son père bondit hors de sa chaise suivit d'Albert, saisissant son bras au passage pour l'entraîner dans la pièce adjacente, à l'abri des regards. Il tempêta cinq bonnes minutes, demanda des comptes, aveuglé par la rage et la peur que ce soit vrai, qu'il soit le père d'un 'sodomite'. A la fin de sa tirade menaçante, August avait retrouvé un peu de calme et il soutint son regard, la respiration sifflante.
"Elle ne parle pas par simple commérage. Elle sait ce qu'elle dit. C'est exact, mes attirances sont dirigés vers les hommes, depuis que j'ai douze ans ; et je ne souhaite pas me marier à l'une de ces jeunes femmes. Jamais."
Albert était devenu blanc, les yeux écarquillés, et il le regardait comme s'il le voyait pour la première fois. Ce qui, en un sens, était peut être vrai. Edgar se remit à hurler, proférant des menaces et accusant le temps passer "dans les jupes de sa mère" au lieu de "s'endurcir", etc. A la fin, il lui cria de faire ses affaires et de quitter le manoir au matin, et sortit de la pièce en claquant la porte derrière lui. Albert dansa d'un pied sur l'autre, les yeux fuyant ceux de son cadet, et il ouvrit la bouche avec hésitation.
"Dis rien, Al. S'il te plait. Va t'en, c'est bon."
Il fit ses affaires consciencieusement, n'attendit pas que qui que ce soit se lève et traversa l'entrée du domaine dans la grisaille. Il ne fit ses adieux qu'à Henry, le jeune veneur, mais pas au matin ; non, ces adieux là il les avait faits avant l'aube.
Edgar était décédé l'année de ses trente ans, mais après huit ans de silence, il avait refusé violemment de se rendre aux obsèques.
Il termina ses études, rencontra celui qu'il allait épouser et qui partagerait sa vie cinq ans à Guernesey avant de le tromper, menant à un divorce. Et à trente deux ans, il était devenu renfermé, un peu solitaire, le cliché même d'un peintre anglais ; et désespérément à la recherche d'un amour vrai, qui lui manquait depuis son enfance.
Jeu 24 Sep - 17:09