When peace gives birth to chaos
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Where everything that's true turns false, where teenage is the most powerful poison ever made, there, hope will have to fight for his existence.
 
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 Dead men tell no tales

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Maeloïs Ragna

Maeloïs Ragna


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MessageSujet: Dead men tell no tales   Dead men tell no tales Icon_minitimeVen 16 Oct - 15:35

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Childhood is the place where no one dies



Goodbye

Par chance, il avait cessé de pleuvoir. Il avait vérifié tous les petits détails, ressassé le plan pendant des heures et des heures. Tout était réglé comme du papier à musique, et il avait du mal à ne pas trembler d'excitation ; ça pouvait tout foutre en l'air. Il laissait derrière lui une petite note qui disait ceci "Parti voir un ami en galère, je serais là dans 24H. Tout va bien, ne vous inquiétez pas. J'ai mon portable. Désolé, à mardi."
Silencieux comme un chat, extrêmement précautionneux par peur de réveiller l'ancien colonel, il se glissa hors de sa chambre, ombre parmi les ombres. Il faisait nuit noire, la lune était camouflée par les nuages encore noirs et épais, et le sol détrempé luisait faiblement. Il remonta le col de son perfecto qui lui allait comme une seconde peau sur son cou, clipsa ses mitaines à ses poignets et s'éloigna en vitesse, s'assurant que le poignard effilé fixé par des straps à son avant bras n'était pas visible. Ah, il en était fier des assassins qu'il avait formés, ce dégénéré… Fier comme un paon, à faire la roue sans arrêt de galas en galas, de clan en clan. Oh oui il s'était pavané, assis dans son énorme fauteuil bourgogne, Raccoon à sa gauche et Maël à sa droite, menaçants, silencieux. Cette nuit, il allait enfin voir son œuvre en action. Un frisson d'anticipation secoua ses muscles, et il retint un léger gémissement. Il l'avait attendue tant d'années, cette vengeance…

Il atteignit le sud est de la ville en une trentaine de minutes, ayant enfourché sa moto camouflée dans les taillis quelques cinq kilomètres à l'écart de la maison des deux hommes qui l'accueillaient sous son toit. L'engin avait docilement démarré et avalé les kilomètres, et il l'avait arrêté dans un magistral dérapage, projetant de l'eau de côté, juste devant l'homme en costume intégralement noir qui se tenait au fond du petit cul de sac sombre. Il repoussa l'envie maniaque de sourire, et risqua un simple coup d'œil vers les carreaux brisés du bâtiment abandonné qui le surplombait à gauche. Il y capta un vague frémissement dans le noir, et se mordit la langue cette fois pour réfréner un nouveau frisson, les narines frémissantes. Non seulement elle avait réussi à l'attirer jusqu'ici, mais elle était bien là, tapie dans les ténèbres. Après tout, il y allait y avoir du spectacle…
Kaèr fit un pas vers lui, une main sur la hanche, décontracté. Il avait un air satisfait sur le visage, et Maël inspira lentement. Il fallait continuer de la jouer fine.

"Tu n'as rien perdu de ta superbe, je vois… Tu roules toujours avec le diable au corps, cousin", lâcha la voix traînante du parrain. Tu ne crois pas si bien dire...
"Et toi, tu es toujours aussi propre sur toi, Kaèr..."

Les lèvres pourpres de l'homme frémirent, et Maël se rapprocha lentement, tirant de sa poche son paquet de Marlboro avec flegme. Il en porta une à ses lèvres, l'alluma d'une main, et tendit le petit carton vers son cousin qui en choisi une à son tour en lui adressant un ferme signe de remerciement de la tête.
Pendant une petite minute, ils fumèrent en silence. Kaèr était détendu, son cadet prétendait l'être.
Puis le gangster commença à parler, à lui demander où il créchait, s'il comptait revenir. Il lui expliqua où il se planquait, lui exposa ses idées pour se remettre du coup de massue que représentait l'arrestation non seulement d'Amarok, mais aussi celles de Kita, Idris, Riley. Ainsi que la désertion soudaine de Geneva. Il était affaibli. Et c'était bien là l'aubaine et le danger. Un animal affaibli était une proie indéniable, mais chez les prédateur, la blessure éveillait aussi l'instinct de survie aveugle. Mais jamais il n'aurait eu l'idée de se méfier de son propre cousin, docile, posé, qui lui avait donné rendez vous pour parler affaires par le biais de sa bien aimée trainee, qu'il considérait presque comme un chef d'œuvre personnel.
Il parlait, son cadet écoutait, assis sur le muret à on côté, les jambes écartées, pieds à plats de chaque côté de lui, un coude posé sur le genou, cigarette pendant aux lèvres. Il ne pensa pas une seconde qu'ainsi, il était sous le niveau du jeune assassin. Ou qu'il était trop ouvert. Que sa garde était inexistante. C'était son sang, son héritage. Et alors qu'il parlait, fumant distraitement, il ne vit pas se déployer la lame brillante et aiguisée du long cran d'arrêt. Maël ne cessa pas de fumer, ne fit aucun bruit, et lui trancha la gorge d'un geste vif et fluide, comme ça, sans aucun signe précurseur à sa trahison. Il avait simplement tendu son bras, glissé la lame de sous une oreille à l'autre, en une fraction de seconde, l'autre main posée sur le front du chef de clan en l'espace d'un milli-instant. Alors qu'il tentait d'inspirer et que son sang s'engouffrait ainsi dans sa bouche, les yeux de Kaèr se posèrent sur le mégot encore pincé entre ses lèvres, puis ses yeux verts qui s'étaient allumés d'une lueur démente. Il cligna vivement des yeux, porta une main à sa gorge sanglante, et un gargarisme répugnant s'en éleva alors que son jeune cousin atterrissait à nouveau sur ses pieds dans un son mat, le regardant chuter à quatre pattes et chercher désespérément de l'air, puis ses poches. Une bottine coquée, lourde, s'abattit sur la main encore à plat sur l'asphalte, et le jeune homme s'accroupit devant lui, saisissant ses cheveux pour le relever le visage. A ce point, Kaèr voyait déjà flou et ne trouvait pas sn portable, et les yeux de Maël étaient sans équivoque, froids, satisfaits. La tête du parrain tournait, mais il capta ses derniers mots dans un frisson glacé, le sang se figeant dans ses veines.

"Oh non, cousin… Tu ne t'en sors pas, cette fois. Cette fois, on gagne. Cette fois, c'est nous qui te regardons mourir, et c'est toi qui assiste à nos talents depuis les premières loges… Si tu en croises en Enfer, n'oublie pas de demander pardon à ceux qui nous ont ainsi vus avant toi, Kaèr. Mais surtout, si il y a une vie après celle ci, n'oublie jamais ma haine."

Un sourire froid comme le souffle hivernale de leur Norvège natale peignit les traits de son jeune héritier, et Kaèr sentit le sol tanguer, sa poitrine atrocement douloureuse, et perdit conscience. Une minute après, il ne respirait plus, et son cœur lâchait sans le moindre sursaut.
Maël ne lâcha aucun soupir, aucun son. Il releva le regard vers Giada, sortie de l'ombre, puis regarda le sang qui s'étalait partout dans l'angle de la rue, courant entre les aspérités du sol, aussi éclatant qu'un filon de rubis. Cà et là, il se mélangeaient à quelques flaques formées par les averses de la journée précédente. Les lampadaires projetaient une drôle de lumière sur la scène, et soudain, la réalisation de la frappa comme une gifle, et il expira brutalement une fois, deux fois, puis lâcha un cri presque libérateur, le visage face au ciel assombri. Essouflé, secoué, il resta hébété une ou deux minutes, puis il alla ramasser les mégots de cigarette sur le goudron usé, les fourra dans sa poche, vérifia que rien autour de la zone ne trahissait sa présence. L'énorme Ducati aux pneus chaînés n'avait pas laissé d'empreinte de roues sur le sol. Il n'avait pas de boue sous ses bottines -il avait pensé à les nettoyer avant de monter sur la bécane.
Il se tourna vers le corps. Il était deux heures et demie du matin dans le quartier le pus désert et le plus mal famé de Chicago, il était encore temps de se débarrasser de lui. De le faire disparaître, complètement. Il inspira profondément. De tout façon, son marcel était déjà dégouttant d'hémoglobine, son cou et son visage piquetés de gouttes écarlates depuis l'instant où la jugulaire avait cédé sous la lame. Il souleva péniblement le corps, le hissant sur ses épaules, pour ne pas laisser de traînée de sang au sol, et se débrouilla tant bien que mal pour l'asseoir sur le siège 'arrière' de la Diavel carbon. Puis il lui passa un casque sur la tête. Pas question que sa tête soit visible. Il prit sa place aux commandes, retenant le frisson de dégoût en fixant les bras inertes de son cousin autour de sa taille, attachant ses mains devant son ventre avec un lien prévu. Il la regarda une dernière fois, lui adressa un 'baiser volant', puis démarra le bolide et descendit son casque et sa visière sur son visage. Si que ce soit voyait passer la moto, ce serait simplement deux hommes en train de filer à travers rues. Rien d'anormal. Et il écrasa l'accélérateur, faisant bondir le monstre de métal sur le goudron.

Il roula presque une heure et demie pour gagner les falaises. Il ne pleuvait toujours pas. Le sang avait cessé de couleur sur ses épaules, mais la peau du corps s'était refroidie et lui soutirait une profonde envie de vomir à présent. Seule la sensation grisante de la liberté enfin obtenue le faisait tenir.
L'aube naissait tout juste quand il arrêta la Diavel dans la poussière. Ici, il ne semblait pas avoir plus depuis quelques jours au moins. Pas âme qui vive, pas une route correcte, juste des sentiers chaotiques et quelques taillis. Il délia les poignets du cadavre, retira son casque et celui du mort. Le sang avait coagulé puis séché. Il en avait jusqu'à son jean. La pâleur du visage inerte de Kaèr était insoutenable. Mais sa haine était plus forte que sa conscience.
Il hissa l'homme à cheval sur son dos, et entreprit de monter le long du canyon dans la vague lueur du jour qui se levait. Il arriva en haut en sueur, les muscles hurlants de détresse, et laissa tomber le corps dans la poussière. Il fit un bruit mou, et le jeune homme planta ses incisives dans l'intérieur de sa joue. Il fallait penser à tout maintenant, ne rien laisser au hasard. Il entreprit de déshabiller son chef tombé, bénissant le ciel que la raideur cadavérique ne soit pas trop avancée. Il lui enleva tout, le laissant dans le plus simple appareil. Puis il s'éloigna d'une centaine de mètres, et retira ses propres vêtements au bord du torrent qui dévalait la falaise à cet endroit. Il avait choisi le lieu depuis des semaines. Il laissa tomber les vêtements dans le sac plastique qu'il avait emporté dans la poche de son perfecto -qu'il garda à la main. Puis il y fit un noeud, le posa par terre, serra les dents, et se glissa dans l'eau froide. Il balança le cran d'arrêt dans les eaux profondes, là où personne ne le retrouverait jamais. Il entreprit de frictionner son visage, son cou, son dos partout où il pouvait l'atteindre, ses cheveux. L'eau devenait rosée çà et là autour de ses épaules. Il répéta ces gestes quatre fois, pour être sûr, se frotta contre un rocher pour effacer toute goutte de sang de son dos. Puis il lava soigneusement sa veste, sachant que si un jour on le soupçonnait, elle réagirait quand même au luminol. Tout comme la Diavel. Plus qu'à la jouer fine. Mais en même temps, qui regretterait Kaèr Ragna ? Des flics blessés dans leur orgueil, peut être, vexés de pas avoir eu le temps de le coincer eux mêmes.
Quand il eut fini, il retourna à la moto, sorti une tenue de rechange - chaussures comprises - du petit coffre, et une bouteille vide. Puis il redescendit au torrent, remonta, lava - recommença. Il la déplaça même pour laver les gravies sous les roues. De toute façon, personne ne savait qu'il possédait encore le bolide, même pas le foyer. Il la cachait avant même l'arrestation de son frère.
Il était dix heures du matin, et soudain, un cri grave et menaçant lui parvint du haut de la falaise. Il leva la tête, et ils étaient là, tournoyant avec une grâce terrifiante au dessus du sommet. Les vautours fauves. Une vingtaine, au moins. Un autre cri résonna, et il se sentit sourire sombrement. Un petit groupe de volatiles piqua vers le sol, disparu, de sa vue, et il entendit d'autres cris. Certains étaient déjà posés, donc. Il s'adossa sur la carbon, alluma une cigarette, et tira dessus, le goût de la nicotine envoyant une décharge de détente dans ses veines. Il n'y avait plus qu'à attendre.

A la tombée de la nuit, les vautours s'en étaient allés. Il inspira profondément, ferma étroitement les yeux un instant, et reprit le chemin du sommet. Il savait que cette vision le hanterait longtemps, mais il n'avait pas le choix. Il ne pouvait rien laisser au hasard. Il ne restait pas grand chose de l'homme qui avait ruiné son enfance. Un crâne vide, terrifiant, deux fémurs, un tibia et la cage thoracique. Blancs, nus, anonymes. Il resta figé presque une minute, vacillant, luttant contre l'hyperventilation qui le menaçait. Il rouvrit le sac en plastique, attrapa les ossements avec ses gants, les fourra dedans. Puis retira les dits gants, les y laissa tomber aussi. Referla le tout, dévala la pente, fourra le sac dans le coffre sous ses fesses et repartit en trombe, filant en sens inverse dans le noir, chassant ces images avec fermeté. Il l'avait mérité. Mille fois, même. Et rien dans sa vie n'avait jamais eu le goût addictif de ce qui s'était passé en lui quand la lame avait souplement mit fin à la vie de Kaèr.
Il atteignit à nouveau la ville, gara la moto derrière le funérarium que le gang payait grassement pour taire leurs secrets. Il ne retira pas son casque, ne releva pas la visière teintée. Il poussa la porte, balança une enveloppe gonflée au propriétaire qui sourit. Cet homme était un malade, Maël le savait, et il n'y avait aucun moyen qu'il parle. De tout façon, il ne pouvait pas savoir à qui ce crâne tout blanc avait appartenu. Il le guida dans les couloirs, ouvrit le fourneau ronflant. Le jeune homme, respira lentement, deux fois, et lança le sac dans les flammes. L'ensemble s'embrasa en crépitant. Vingt minutes plus tard, le fossoyeur fouilla sous ses yeux les cendres fumantes. Plus rien. Rien de rien. Le norvégien lui plaqua un billet de plus sur le cœur, tapota amicalement dessus, et pivota sur ses talons. Dehors, il enfourcha la Diavel, démarra, tapa un message à Giada. Emoji pouce, une croix rouge. 'Tout va bien, cible supprimée' Ce code, ils le connaissaient tous par cœur depuis le temps. Il soupira d'aise cette fois, laissa couler un ricanement nerveux hors de ses lèvres et démarra, disparaissant dans la nuit de Chicago.

En dissimulant la moto dans les bois encore une fois sous sa bâche caméléon, il était à nouveau lui même. Il était une heure et quart quand il se faufila à nouveau dans la maison plongée dans l'ombre et le silence, quitta ses vêtements, les plia soigneusement et les cacha à nouveau au fond de sa valise. Puis il se glissa sous la couverture rassurante, et s'endormit d'un sommeil sans rêve. Libre. Enfin. Comme il ne l'avait encore jamais été. Un oiseau, à son tour, dont on avait finalement ouvert la cage. Il lui tardait d'atteindre le soleil.




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Maeloïs Ragna

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MessageSujet: Re: Dead men tell no tales   Dead men tell no tales Icon_minitimeSam 17 Oct - 11:29

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In the face of danger we're all brave



It goes bang, bang

Il avait demandé à Morgan et Cher s'il pouvait sortir, et rentrer tard, surtout. Il avait beau faire des efforts, la nuit lui collait à la peau, rampant sous son épiderme, et parfois, la sécurité d'un monde qu'il connaissait, maîtrisait, se faisait sentir. Par chance, les deux hommes avaient accepté qu'il passe sa soirée du vendredi et une partie de la nuit dehors. Cher avait avancé qu'après tout, la ville était le théâtre qui l'avait vu grandir, et Morgan avait cédé avec un sourire un peu contrit.
Il s'était habillé avec soin. Hakama noir, ceinture de cuir tout aussi sombre, converses blanches et simple et intemporel t-shirt blanc près du corps, ses boucles obsidiennes artistiquement décoiffées et un rouge à lèvres d'un bordeaux presque noir discrètement appliqué à sa bouche, il avait mit le paquet. Il quitta sa chambre à 22 heures quarante cinq, passa devant le couple qui le détailla un instant avant de lui adresser un sourire et de se replonger dans leur film, chacun son mug entre les mains, les chats couchés près d'eux. Couple goals, pensa Maël un court moment, puis il enfila son bomber sukajan, jeta son sac à dos sur épaule et s'éclipsa.
Bien entendu, il coupa à travers bois pour enfourcher la Diavel carbon, et fila vers le quartier des clubs.
Il était vingt trois heures passées, la nuit s'éveillait peu à peu. Il gara et sécurisa le petit bijou de la mécanique italienne tout près de l'entrée. Il retira son casque, l'attacha également et se dirigea vers le videur d'un pas sûr sous le nez d'une petite file d'attente. L'enseigne du Blood & Water semblait flotter au dessus des portes battantes, oscillant entre les couleurs de l'arc-en-ciel. Il y eut des ricanements et des exclamations indignées, et il s'arrêta devant l'homme une main dans la poche, tendit de l'autre un paquet de cigarettes à la montagne de muscle qui lui adressa un sourire sincère.

"Philip Mo's, vous n'oubliez jamais ! Passez une bonne soirée, patron." fit le gorille, un murmure parcouru vaguement le groupe d'étudiants qui entraient au compte goutte, et Maël adressa un clin d'œil vif au videur en le dépassant, plongeant dans l'effervescence du couloir d'entrée sans s'arrêter au vestiaire. Il avait fallu trois mois de démarches avant que les possessions de son cousin soient redéclarées à son nom en toute légalité, mais c'était chose faite et en effet, il possédait cet endroit à présent.
Il contourna les boxes des clients, déverrouilla le sien au bout du couloir du ré de chaussée en passant sa carte devant le détecteur et y lâcha son sac à dos et les clés de sa moto bien aimée. Il vérifia la discrétion du rouge à lèvres mat sur sa bouche, ses cheveux, et ressorti de la loge, gagnant l'immense salle du club nocturne qui commençait à déjà à déraper. Ca sentait l'alcool, la sueur et les hormones, et les baffles diffusaient des sons transpirants de sexualité dans tout l'espace, les projecteurs clignotaient joyeusement et les barmen couraient en tous sens.

Maël se hissa sur l'un des tabourets au bout du bar, héla l'un des employés et lui commanda un cocktail explosif avec un sourire. Le jeune homme savait qu'il ne fallait pas lui demander sa pièce d'identité.
Il but une petite heure, observa les danseurs, les couples qui se formaient et se détachaient, les groupes d'amis là pour s'amuser et ceux qui étaient clairement là pour trouver un partenaire à ramener chez eux. Quand la musique commença à se montrer encore plus chargée et passa à un morceau des PussyCat Dolls, Buttons, il glissa hors de son siège et se dirigea vers le dancefloor d'un pas félin. Ces deux dernières années, il avait appris à bouger comme son frère l'attendait de lui, à regarder les garçons qui lui plaisaient de la bonne manière, à danser sans en faire beaucoup trop. Merde, il avait quand même vu Tarek à l'œuvre tous les week ends de son enfance et préadolescence. Les basses de la musique battaient lentement au travers des éclats bleus et rouges du club. Il avait repéré Riley, son ancien collègue au sein du clan depuis vingt bonnes minutes, et traça une ligne parfaite vers lui, enroula ses doigts dans le tissu fluide de sa chemise. Le jeune homme leva les yeux vers lui, écarquilla brièvement ses yeux noirs en remettant son visage et le suivit docilement dans la danse. Le norvégien lui tourna le dos souplement, laissant ses mains courir sur cotes puis se fixer sur ses hanches, et laissa les notes le porter en un presque lap dance, la tête rejetée en arrière, contrôlant le rythme sans en avoir l'air. Il ne ramènerait probablement pas Riley avec lui, et l'autre le savait, mais ce n'était pas la première fois qu'ils se servaient l'un de l'autre pour attirer l'attention des garçons présents. Ils l'avaient fait au moins une dizaine de fois quand les deux Ragna seniors les avaient amenés ici.
Riley posa une main sur son front et plongea sur la jonction de son cou à l'épaule, et le plus jeune laissa filer un soupir satisfait. C'est là que le ligne entre jeu d'acteur et sincérité se brouillait, et l'ancien hitman le fit pivoter à nouveau sur ses talons, glissant sa paume sous la sukajan au motif de phénix blanc, ses reins cognant franchement contre son corps. Il n'aurait pas du jouer à ce jeu, mais ça durait depuis ses quatorze ans environ, la haine du plus âgé pour statut de privilégié le poussant à chercher une façon de le rabaisser. Et ça lui allait, ça lui allait même très bien de jouer au chat et à la souris, de laisser la rancœur attirer à lui le sniper. Il sentit sa main presser douloureusement sa chair, possessive, et coupa le fil du jeu d'acteur avec un sourire carnassier, se dérobant en un mouvement fluide de sa prise d'acier. Ils n'avaient aucun sentiments, seulement cette routine de hate sex qui n'était pas ce que Maël cherchait ce soir. Il sentit une main plus douce capturer son poignet, et se laissa aller à la danse de l'inconnu qui l'avait accaparé.

Il dansa ainsi deux bonnes heures, alternant avec des cocktails jusqu'à ce que sa tête lui tourne pas mal, un sourire bête étirant ses lèvres. La musique était toujours aussi lourde, entêtante, et il avait déjà embrassé deux garçons différents. Mais il manquait l'étincelle, la sensation de brûlure dans  son estomac, qui le décidait souvent à elle seule. Il était presque trois heures et demi et il était bien éméché quand elle se manifesta au milieu d'une chanson des Maroon 5.
Le temps de quitter le club, de laisser l'inconnu piloter la monstrueuse Diavel jusqu'au fight club et d'atteindre la porte, il était plaqué contre un mur, les jambes nouées derrières les hanches de l'autre garçon, et ses cheveux n'avaient plus rien d'une coiffure.
Il tourna la clé dans la serrure péniblement entre deux baisers, haletant, et se laissa tomber sur le matelas du petit studio qu'il réaménageait petit à petit. Ils n'avaient plus rien sur le dos à peine deux minutes plus tard. Il ne savait plus l'heure, s'en moquait, se concentrait uniquement sur la douce sensation sur sa peau, sur le tournis qui le désinhibait complètement. C'était tout ce dont il avait besoin - ou presque.
Ou presque. C'est la pensée qui passa la première au petit matin dans sa tête, quand ses yeux balayèrent la place vide à côté de lui. Il n'avait pas pensé une seconde qu'il resterait, mais ça piquait toujours un peu plus à chaque fois. Il se demandait toujours si un jour, il ouvrirait les yeux en la compagnie de quelqu'un.
Il se redressa doucement, frotta ses yeux et étouffa un bâillement, et vérifia son portable. Pas d'appel manqué, deux sms.
M. Morgan, 10:07 - Est-ce que tu rentres par toi même ? A tout à l'heure.

Riley, 4:17 - Dernière fois que tu joues à ça. La prochaine, t'as plutôt intérêt à les écarter.


Classe, Riley. Toujours. Il soupira, replaça une mèche derrière son oreille et quitta le lit, se rhabilla machinalement, effaça les vagues marques de rouge bordeaux au coin de sa bouche et remit son casque. Il quitta le fight club, verrouilla tout, remonta sur la moto. Il décida même de rentrer chez le couple franco-anglais avec. Il improviserait quelque chose. Il avait mal au crâne, faim, et il avait besoin d'une douche. Pas la peine de penser à autre chose que ces impératifs là pour l'instant. Ni jamais, au fond.



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Maeloïs Ragna

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MessageSujet: Re: Dead men tell no tales   Dead men tell no tales Icon_minitimeMer 24 Nov - 11:13

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I'm in the details with the devil




La diavel s'arrêta en ronflant devant le lycée. Cargo noir et chainé de toutes parts, new rocks aux pieds, mesh shirt aussi noir que le reste, il retira son casque laqué et fit claquer la cale de l'énorme monstre de métal. Il savait que les élèves autour venaient de suspendre leurs conversations l'espace d'une milli seconde même sis eux, ne s'en rendaient jamais compte. Le frisson électrique qui venait avec la conscience du pouvoir parcouru son échine, et il descendit de sa selle. Il attacha la moto, et s'éloigna en direction de l'établissement, casque à la main, sac sur l'épaule.
Sur son chemin, quelques filles lui adressèrent un sourire timide mais intéressé, et il fit mine de ne pas les voir. Il passa le hall, alla déverrouiller son casier et y enferma le casque, puis ressorti du lycée. Il s'arrêta sur les marches, tira son paquet Marlboro de sa poche de cargo et plaça une cigarette entre ses lèvres. Un simple trait de khôl soulignait ses yeux verts. Il repéra sa nièce qui arrivait au portail avec ses amis, et actionna son briquet machinalement.
Le goût de la nicotine, familier, lui fit fermer les yeux un instant. Près de Zelenka, son ex petit-ami semblait raconter à Tiernan Thompson quelque chose de drôle. Putain, il avait bien foutu en l'air leur chance. Mais Alec méritait mieux, bien mieux, et même si Maël s'y était terriblement mal pris pour le lui dire, il n'en restait pas moins que cette vérité implacable les aurait séparés bien vite.

Dans ses airpods, Grandson hurlait une critique cynique du monde moderne. Il vit du coin de l'oeil l'un des assistants de discipline le zieuter d'un air mauvais, sans pour autant changer quoi que ce soit dans son attitude. Les surveillants avaient appris depuis longtemps que ce n'était pas la peine de lui faire la remarque. Tous comme les élèves avaient appris rapidement à rester à distance, en tous temps. Parfois, il se sentait comme le loup dans la bergerie et d'autres, plutôt comme la brebis encerclée par une meute. Honnêtement, il ne venait plus au lycée que par respect pour ce que le couple Chesnet Monaghan tentait de faire pour lui. Un peu pour Sasha, aussi, qui voulait croire en lui.
La sonnerie du début des cours ricocha dans les bâtiments, mais il ne bougea pas. C'était cours d'anglais, qui lui rappelaient douloureusement à chaque fois qu'il avait bien du mal à écrire cette langue qu'il maitrisait pourtant parfaitement à l'oral. L'alphabet, les nuances d'écrit, tout ça lui donnait mal au crâne. Et puis, il n'était pas dans le mood ce matin. Il était agacé, agité, inquiet. Toute la panoplie habituelle à l'approche de son anniversaire. Il allait avoir vingt ans, il était encore coincé au lycée, il avait une surveillance judiciaire aux fesses, et son comportement social et intime était un désastre sans nom. Il avait envie de cogner quelque chose. De temps en temps, il avait même envie de tout plaquer, d'enfourcher la diavel et de rouler des milliers de kilomètres, de se faire engager comme chasseur de tête quelque part et de laisse toute cette nuit sans fin qu'avait été son enfance l'avaler pour de bon. Il avait l'impression de se cacher pour échapper à un vrai lui qui n'était pas le garçon un peu sombre mais bon camarade que ses proches connaissaient...

Proches. Ce qu'il en restait... Il serra les dents et écrasa son mégot avec rage avant de le jeter dans la poubelle. L'unité de police juvénile qui s'occupait de son dossier continuait de clamer qu'il n'avait pas besoin de suivi, que "sa personnalité forte lui permettrait de se remettre". Mais non ! aurait-il voulu leur crier.
Non, il n'y arrivait pas, il avait mal, il avait peur, il savait qu'il réveillait les Chesnet Monaghan en hurlant la nuit parce qu'il voyait la peine dans les yeux de Morgan quand il croisait son regard dans l'encadrement de sa porte quand l'homme venait le secouer à trois heures du matin. Il se sentait suivi, épié, traqué et luttait contre une paranoïa envahissante : "Et si j'étais malade, moi aussi ? Si je l'ai, cette merde qui a fait de mon frère un fou dangereux, je fais quoi ? Je fais quoi ?"
Il déverrouilla son téléphone portable, et fit quelque chose qu'il détestait déjà.
A *Riley* 8:03 - Yo. T'es occupé ? J'ai envie de baiser.

A 8:40, il frappait à la porte du studio de son ancien compagnon d'infortune. Il savait que c'était un mauvais choix, qu'il allait se sentir pire d'ici le soir, mais au moins Riley ne le traitait pas avec l'air effrayé des garçons du lycée. Riley savait que tout ça, c'était pour éviter d'avoir à parler, à laisser voir la faiblesse sous les couches de noir et d'argent.
"Tu es beau ce matin.
-La ferme, Riley... Je suis pas venu pour ça.
-Oh, si. T'es venu pour te sentir vivre, non ?"
Un tic agita le coin de ses lèvres, et il laissa le sniper le basculer sur son lit et le déshabiller avec adresse. C'était comme si cette danse était faite pour durer toujours. Mais Riley semblait vouloir faire durer un peu.
Ses lèvres dévalèrent son cou, ses dents chatouillèrent sa clavicule, et sa langue se perdit doucement sur ses abdominaux qui se devinaient sous la peau blanche. Ses mains se promenaient le long de ses côtes et sous ses cuisses. Un frisson agita son corps, et il ferma les yeux. Peut-être qu'il ne regretterait pas trop cette idée, finalement.
Le blond prit un malin plaisir à l'effleurer jusqu'à ce qu'il soit simplement réduit à un corps pliant et brulant, ses yeux verts brillants de la demande désespérée d'obtenir ce qu'il était venu chercher. Riley le fit alors basculer sur le côté, s'installa contre lui et passa un bras solide autour de son torse, sa paume à plat sur le bas de son ventre. Maël ferma les yeux en le sentant se faire une place, et exhala brusquement contre l'oreiller. Il sentait ses boucles noires coller à ses temps et son front, la chaleur de ses joues, et il se laissa aller.
Ce n'était pas comme d'habitude. Ce n'était pas ce qu'il était venu chercher, mais c'était bien mieux. La bouche du sniper se posa sur son cou, et il s'entendit gémir doucement. La main à plat sur son ventre se perdit un peu plus bas, et ses hanches sursautèrent, cherchant un contact plus prononcé.
"Riley, vennligst, stop, det er for mye..
-Je ne parle toujours pas ta langue, Maël...
-C'est.. Trop, je peux pas.."
Un coup de hanche, une deuxième main posée sur sa jambe pour l'immobiliser. Son souffle manquait un peu.
"Quoi, ça ? Qu'est-ce qu'il y a, tu voulais pas baiser ?"
Il ne répondit pas. Si, il voulait baiser. Justement. Là, pressé contre l'étudiant, ses mains et sa bouche collées à sa peau, pris au piège, il avait l'impression de faire tout autre chose et c'était bien trop bon. Riley bougeait avec souplesse, toujours plus précis, et Maël réalisa à un moment qu'il gémissait sans retenue contre le coussin depuis plusieurs minutes, perdu dans son plaisir.
"S'il-te-plait..."
Et juste comme ça, le blond recula, l'étala sur le dos contre le lit. Un bref instant, ses yeux gris semblèrent fixer son visage, puis il se reprit et plongea sur le brun, plus désordonné. Le norvégien avait baissé cette garde pour de bon et hoquetait, erratique, sous son corps. Les chevilles nouées derrière ses reins, les bras autour de son cou pour l'obliger à garder ses lèvres contre sa gorge. Il marmonnait toujours en norvégien, des mots plus simples que Riley reconnaissait maintenant. Il le pressa un peu plus fort contre le matelas, ferma ses doigts entre eux, et Maël échappa un cri étrange, presque surpris avant de s'immobiliser la bouche entrouverte et les yeux fermés, sourcils froncés. Il faisait un bruit proche de ceux d'un chiot, un léger uhm, uhm, et quand il rouvrit les yeux après que Riley eut terminé à son tour, il ne remarqua pas le trouble du blond.
Il respirait lentement, les muscles réduits à une vague sensation de coton. Les bras du sniper l'attirèrent alors, et il ne pensa même pas à jouer les indignés. Il se laissa aller contre son torse, lui permit d'emmêler ses jambes aux siennes et referma les yeux. Il avait chaud, il somnolait, et une sensation bizarre de sécurité coulait dans ses veines. Il entendit la respiration de Riley devenir régulière, et lâcha prise. Il réfléchirait plus tard.



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Maeloïs Ragna

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MessageSujet: Re: Dead men tell no tales   Dead men tell no tales Icon_minitimeLun 6 Déc - 12:14

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Childhood is the place where no one dies



Are you gonna run away ?

Le vent secouait la cime des arbres au dessus de sa tête. Il remonta ses épaules pour se tenir chaud, et tendit ses mains au dessus de son petit feu qui crépitait dans la longue nuit d'hiver, qui toucherait bientôt à sa fin. Janvier avait laissé place à février, et quelques bourgeons gonflaient sur les branches. Dans quelques semaines, les perce neige couvriraient le sous bois. Les étoiles luisaient d'un blanc aveuglant au dessus des grands bouleaux, et il entendait au loin les bruit d'une meute de loups en chasse. Près de lui, son arc et son sac de couchage, et un petit eastpack noir plein du nécessaire de survie.
Il avait quitté Chicago juste après les fêtes de fin d'année, avec trois mois d'avance. Il avait atterri à Oslo, puis hélé un taxi qui l'avait conduit à la frontière de la zone que son peuple appelait Lapland, et qui courait vers la Laponie elle même. Il avait passé cette véritable frontière lapone une semaine plus tard, discrètement, avec un musher de son peuple qui l'avait dévisagé quand il l'avait interpellé en saami. Il se nommait Svern, et il l'avait fait passer sans demander d'argent, lui souhaitant simplement bonne chance.
Une bourrasque étouffa le son des loups en chasse, et il expira doucement, observant le petit nuage de vapeur formé devant son visage. Il faisait 24 degrés en dessous de zéro, et au loin, les aurores boréales dansaient. Quelque chose en lui remuait, une paix nouvelle, l'écho d'un monde qui l'avait vu naitre, dont il ne se souvenait pas, mais qui se rappelait de lui.

En tassant la neige sur les restes de son feu au matin, il inspira le grand air du nord, et reparti vers le nord, toujours droit devant lui, guidé par les indications de Svern. Il savait qu'il n'était plus très loin, car le vent, dans la nuit, avait charrié jusqu'à lui l'odeur de viande grillée qui accompagne souvent les villages saami.
Il marchait depuis plusieurs heures pourtant quand la lueur des brasero se dessina vraiment devant lui. Mais après plus d'un mois de voyage à travers les forêts et les étendues de glace de sa Laponie natale, quelques heures étaient dérisoire. Il avança vers les premières habitations, et une femme d'âge moyen le repéra alors. Elle marqua un temps d'arrêt, avant de changer d'expression, méfiante.
"Hé ! Qui va là ?"
Maël leva une main, paume ouverte, pour montrer qu'il venait sans mauvaises intentions, et lui répondit en saami, distinguant sa surprise.
"Je viens en paix. Je voudrais rencontrer votre noaide, Njaves. Je crois qu'elle détient des réponses dont j'ai besoin."
La femme haussa les sourcils, mais ne lui posa pas d'autre question. Elle lui fit simplement signe de la suivre, et l'entraîna dans le village de chaumières rondes et accueillantes. Sur leur passage, il se rendit compte que les habitants, emmitouflés dans leurs peaux de bêtes, suspendaient leurs taches et les suivaient du regard, étonnés de voir un étranger arriver chez eux alors que la grande nuit faisait encore rage.
Il le reconnut avant qu'elle ne le vit même arriver. Assise devant sa yourte, en tailleur près du brasero, elle touillait quelque chose dans une marmite fumante. Elle avait les tempes grises, le visage creusé à présent, et à son cou brillait le collier poli que Sakhar lui avait offert pour la demander en mariage, blanc et bleu turquoise, digne de son rang.
La femme qui le guidait s'arrêta devant elle, alors elle leva les yeux. Elle le vit, le dévisagea, puis se tourna vers l'autre dame.
"Eh bien, Nakoma, qu'y a-t-il ? Qui est cet étranger que tu autorises à entrer ?
- Il a demandé à vous parler, noaide. Il a cité votre nom. J'ai pensé bien faire.
-Mon nom ? Comment..? Qui êtes vous ?"
Il déposa son sac à dos devant lui, et s'assis en tailleur à son tour, face à elle. Il cru voir une lueur inquiète dans ses yeux, mais elle paraissait surtout curieuse.
"Je m'appelle Maäravi. Et si ma mémoire ne me joue aucun tour, je crois bien que je suis votre fils, Njaves."
La femme derrière lui avait échappé un hoquet stupéfait, mais Njaves, elle, se contenta d'écarquiller vivement les yeux dès l'annonce de son nom. Elle tendit une main hésitante vers lui, interdite, mais il lui fit doucement signe de ne pas le toucher.
"Tu étais trop petit pour te rappeler cet endroit..
-A l'évidence, non. Je me souviens de vous. Je me souviens de mon père, et je me souviens que vous me manquiez. Mais je ne me rappelle rien d'autre, sinon un chien aux yeux verts et l'odeur du poisson fumé. Vous m'avez exilé, mère. Vous m'avez caché l'existence d'un frère que vous avez vous même perdu dans une gare immense. Et vous m'avez envoyé dans les griffes d'un monstre dont vous même ne compreniez pas toute l'étendue de la folie... Pourquoi ?"

Elle ferma les yeux. Elle revoyait bien ses enfants, identiques, si différents. Sàppà, ses yeux sages et ses phrases à la grammaire parfaite, à trois ans. Maäravi, sauvage, agité, rieur, toujours à se fourrer dans la forêt et à imiter les cris des loups au loin. Elle se souvenait bien de sa petite forme assise dans la neige, jouet en main, visage levé vers les étoiles. 'Awooooooo!" disait sa petite voix d'enfant. 'Arrêteuh, tu nous fais peur.', disait Sàppà, blotti contre elle. Oh si, elle savait bien à quel point son aîné, de l'autre côté du monde, devait sans doute semer la chaos et la mort. Elle l'avait vu revenir des bois, du sang partout sur les fourrures qui l'habillaient, la queue ensanglantée d'un lynx à la main, une lueur de feu dans les yeux.
Un jour, bien longtemps plus tard, elle avait bien abandonné Sàppà près d'Oslo. Elle avait pensé que quelqu'un, sûrement, prendrait soin de lui et le sauverait de l'étrange mal qui semblait frapper ses fils. Mais pas Maäravi. Elle avait pensé que jamais Sakhàr ne supporterait la disparition de deux fils en même temps. Elle avait menti, raconter que le petit avait échappé à sa surveillance, qu'elle l'avait cherché partout, sans succès, alors son mari avait fait le deuil de l'enfant.
Mais le second, turbulent, prenait peu à peu plus de place. La perte de son jumeau semblait avoir ébranlé son équilibre inconscient, et elle le surprenait de plus en plus souvent à l'orée de l'immense étendue d'arbre noirs et blancs, les yeux écarquillés, le corps tendu, pendant que les loups hurlaient leur peine aux aurores boréales. Comme si leur appel résonnait en lui. Elle avait eu peur. Peur qu'il parte, qu'il soit dévoré. Elle avait pensé l'emmener lui aussi, le laisser seul quelque part. Mais Sakhàr, croyant qu'elle avait peur de lui et pour lui, l'avait devancée et envoyé là bas, aux Amériques, auprès de son frère, ignorant les suppliques de son épouse - il la croyait folle et ne lui pardonnait pas le départ de son fils aîné, destiné à diriger à son tour.
Elle avait pleuré les jumeaux. Chaque fois qu'elle entendait les pleurs des loups, elle repensait à ses fils, aux yeux vifs et clairs de ces enfants de la providence, arrivés par hasard, pleins de vie et d'intelligence.
Elle arrivait au bout de son récit, et devant elle, il accepta son contact. Elle posa sa main ridée sur les siennes, et ses yeux bleus brillaient à la lumière des flammes dansantes.
"Je croyais vous protéger. J'étais ignorante. Je ne savais pas que je venais de ma priver de la seule chose réussie que j'avais accomplie, mais c'était trop tard pour vous retrouver."



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