This town made me | Morgan ? \_('.')_/

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Smoke and Mirrors

I am who I am

Il regarda les volutes élégants de la fumée s'élever dans la grisaille de Chicago. Sa veste de cuir sur les épaules, ses éternelles mitaines aux mains, il passa ses doigts dans ses boucles obsidiennes. Du coin de l'œil, il pouvait apercevoir le surveillant de la Foster house qui le fixait, comme un aigle lorgnant une souris. Hah, peu importait. Cet homme ne pouvait pas le forcer à cesser de fumer, ni à se comporter avec un peu plus de civisme. De toute manière, il voyait bien leurs regards effrayés quand il passait dans leurs périmètres, il entendait le chuchotis de leurs ragots, et au fond de leurs yeux, il décelait la fascination morbide de l'être humain pour tout ce qui concerne la nature animale dormant en leur for intérieur. Pourquoi son frère avait-il tant tué ? La folie ? Mais cette folie, était elle incontrôlable, ou l'avait-il embrassée ? Une bête, c'est ce dont les médias l'avaient qualifié après l'avoir aperçu dans la cour hautement sécurisée du commissariat de la criminelle. "Les yeux d'un loup et le sourire maniaque d'une hyène, le Marionnettiste semble tout droit sorti des légendes du wendigo ou de la bère." écrivait le journal. "Il vous regarde sans ciller, et alors vous apercevez votre fin." Terrifiant, vraiment...
Il s'adossa au mur au crépi effrité de la cour du foyer, détournant son attention du surveillant, perdu dans ses pensées. Ils avaient séparé Joran de lui, sous prétexte qu'il était trop jeune pour rester avec les adolescents, et il n'avait aucune idée de l'endroit où ils l'avaient emmené. Il espérait que tout allait bien pour lui. Dans son cas, les choses avaient failli dégénérer, mais il avait calmé le jeu en deux jours environ. Il y avait un petit groupe de gars qui avaient pensé pouvoir le corner quelque part pour lui "donner leur opinion des assassins comme lui". Amusé, Maël s'était laissé aller contre le mur des douches et avait laissé sortir un rire méprisant. Il avait fait rouler ses muscles sous la peau couverte d'encre de la face de son épaule, les yeux de loup tatoués semblant vaciller dangereusement. Et il les avait fixés, un rictus sarcastique aux lèvres. Miles Davis avait avalé bruyamment sa salive pour ne pas se dégonfler.

"Tu veux la bagarre ? Je te prend quand tu veux... Mais je me bat sans règles, je te préviens..."

Davis avait laissé tomber. Il ne tenait pas à se faire remarquer. Il y avait au foyer un ancien gamin du gang norvégien, un certain Fangs, et par lui qui était leur ami, ils avaient entendu dire que le clan avait des rites de passage brutaux dès que les membres atteignaient quinze ans. Rixes sauvages, épreuves de courage face à des animaux ; meurtres. Maëloys Ragna, en outre de son lien de sang avec l'homme qui avait terrorisé la ville, était âgé de dix sept ans. Presque dix huit. Il ne voulait pas se faire démonter.
Mais il avait opté pour une autre stratégie. Répandre des rumeurs dans le foyer. Cacher des objets interdits dans son casier. Lui mettre les bêtises des autres sur le dos. Voler des choses aux autres et les dissimuler dans son lit. Tout était bon. Et les surveillants s'appliquaient à suivre le mouvement pour faire du jeune homme le coupable, pour alimenter la chasse à la sorcière.

Au bout d'un mois, Maël en avait plus que marre. Alors il était là, adossé à ce foutu mur pourri, à fumer sa cigarette en attendant qu'on vienne le chercher pour le punir d'avoir trouver ces mêmes cigarettes et de les fumer au vu de tous. Et sans surprise, quelques minutes avant la fin de sa clope, son nom explosa dans l'air de la cour et une vague de ricanements se propagea. Le directeur se tenait sur les marches de l'escalier, les bras croisés. Maël se détacha du crépi, et avança avec nonchalance après avoir écrasé le mégot fumant sous sa botte.

"Oui, m'sieur ?
-Viens. On a trouvé des gens pour garder un œil sur toi hors d'ici. Va chercher tes affaires et viens au bureau, en vitesse."

L'espace d'un instant, il resta figé, vacilla sur ses pieds, la tête lui tournant violemment. Puis il se reprit, et dépassa le directeur en direction des dortoirs, le cerveau en ebullition. Garder un œil sur lui ? Pourquoi ? On ne lui avait pas dit qu'on lui chercherait un foster family. Qui voudrait de lui sous son toit ? Et puis il n'était pas question qu'il soit sans arrêt sous surveillance, il n'était pas un animal bon sang...
Il rassembla le peu de ses affaires rapidement, la bouche agitée de tics, et passa trois fois ses doigts dans ses cheveux. Il gagna le bureau à pas lourds, poussa la porte avec rudesse, les lèvres pincées et les yeux plein d'animosité. Il y avait bien un homme dans le bureau, propre sur lui mais pas trop, le visage très vaguement familier. Le directeur se leva.

"Maël, te voilà. Tiens toi un peu, tu veux ? Tu vas suivre monsieur, d'accord ? Présente toi, aller."

Le jeune homme fronça le nez. Non, hors de question. Il croisa les bras, et détourna les yeux. La blague, putain...